Que l’on soit pour ou contre la loi travail importe peu dans les lignes qui suivent, c’est l’outil et le nouvel usage qui sont ici décryptés.
C’est un vrai succès pour leurs auteurs, une première, plus qu’un « coup de com » a durée de vie de 48h c’est un acte politique d’un nouveau genre.
Un peu de pédagogie et un décryptage de ces nouveaux outils s’imposent
Est-ce grave ? Non
Interviewé ce week-end Jean Louis Debré s’est ému d’une « nouvelle forme de populisme », « poujadisme ». Mais quelle différence y a-t-il entre une pétition papier et une pétition en ligne ?
Sa diffusion et son coût, réunir 1,1 million de signatures papiers serait extrêmement lent et couteux, l’opération ne serait réservée qu’à un lobby puissant et très bien financé si tenté qu’ils se lancent dans une tel entreprise. Une plateforme en ligne met tous les groupes d’opinions sur un pied d’égalité technologique peu importe leurs finances, ce n’est plus réservé qu’aux puissants.
Les plateformes ont une charte éthique, n’autorisent pas les pétitions appelant à la haine ou la violence, elles disposent de système de contrôle à posteriori des tentatives de fraudes.
Un remède à l’abstention ? Peut-être
On se plaint de l’apathie, du désespoir qui s’emparent des français causant une abstention de masse, une telle participation est donc de bon augure en ces temps troublés, il n’y a pas d’études fiables sur le sujet mais une intention exprimée pourrait tout à fait renforcer la participation, c’est en tout cas l’occasion pour une organisation de constituer une communauté d’intérêt.
Mais comment ont-ils fait ? boulot, boulot, boulot !
Un ancien ministre m’explique son problème : il a lancé une pétition, sollicité 40 000 militants, mais ne récolte que 5000 signatures, « ça ne marche pas ses trucs » dit-il un peu agacé.
Autopsie de la tentative : le sujet est présenté sous un angle technique, le vocabulaire semble tiré du journal officiel, peu accessible au profane, la communauté de militants n’a été que peu sollicité, pas d’outils mis en place pour suivre les premiers retours, pas de contexte politique ou polémique croustillante pour un relai dans les médias.
Je n’ai pas besoin d’insister il a compris « c’est un métier ».
La recette
Cette pétition a été mené par des militants d’un nouveau genre, des « digital activists » une équipe bien organisée, leurs auteurs travaillaient déjà à organiser une communauté sur des sujets transverses. Cette communauté matérialisée en base de données a servi d’allume-feu. (Retrouvez tous les articles sur les logiciels d’organisation de communautés)
Ajouter un zeste de conflit sur une ligne politique divisant un parti, des personnalités politiques suscitant autant l’admiration que la détestation tel que Macron, une communauté du 2eme et 3eme cercle de militants ou d’électeurs en désaccord silencieux depuis longtemps qui mourraient d’envie de s’exprimer… tout cela donne un cocktail explosif.
Mais ce n’est pas fini, à ces communautés se rajoutent des leaders d’opinions, des personnalités de premiers plans viennent se greffer et mobilisent leurs réseaux sociaux, défilent sur les plateaux tv, publient des tribunes.
La mécanique
Toutes ces munitions ont été chargé dans le canon Change.org.
La plateforme est en soit une communauté, ses membres sont en veille, ils sont demandeurs. Ils renseignent eux mêmes les causes et les sujets qui les passionnent et seront notifiés dès qu’une pétition est susceptible de les intéresser.
Ils ont nourri la bête. Change.org permet une croissance organique, mais aussi sponsorisée, les plus fervents pourront faire un don pour promouvoir encore plus la pétition ou encore la partager gratuitement à leurs amis ce qui explique que certaines régions de France aient beaucoup participé et d’autres très peu, plusieurs foyers ont été allumés mais dans certaines régions la pétition est moins bien parvenue. Une fois la machine lancée, si les planètes sont alignées, elle est presque impossible à arrêter.
A l’inverse, sans les ingrédients décrits dans cet article, le résultat n’est pas le même Dominique Reynié qui a lancé une contre pétition, « pour la loi Travail » n’a collecté que 14 000 signatures pour le moment, il y a fort à parier qu’il pourrait réunir plus de signataires en s’organisant différemment.
Voilà on vous a tout dit, ou presque :), ces nouveaux outils et usages changent la vie politique et annoncent des changements qui dépasseront rapidement le cadre de la pétition, allez soyons fou, je fais le pari que le président sera élu par un vote en ligne en 2022.
Le Lab DigitaleBox